INCIDENCES

SP d’Abigaïl Lazare pour son livre « Incidences »

Résumé du livre

Tiraillée entre son désir d’être une bonne mère et celui de mener à bien sa carrière retrouvée, Ingrid va devoir affronter les diktats de son nouveau patron. Alors qu'elle est peu à peu submergée par la pression, le nuage sur lequel elle s’est reposée depuis trois ans va lentement se dissiper. Parviendra-t-elle à affronter la tempête qui s’annonce ? Sa famille deviendra-t-elle son refuge ou un piège qui va l’engloutir ?

 

Ce que j’en ai pensé

Je tiens d’abord à remercier Abigaïl pour la confiance qu’elle m’a témoignée en me proposant de lire et chroniquer son récit, sans doute un peu (voire complètement) autobiographique.

Voici donc le roman qui a été très plaisant à découvrir sur un sujet dérangeant, hypersensible et de plus en plus fréquemment évoqué, hélas à l’heure actuelle : le harcèlement moral au sein de nombreuses entreprises.

Sans doute révélé aussi par la libéralisation de la parole des victimes de ces actes autrefois soigneusement cachés, au mieux minimisés voire carrément niés par l’entourage professionnel et personnel de ceux et celles qui étaient ainsi contraints de le subir pendant parfois des années, voire des décennies, sans possibilité de s’extirper du piège dans lequel ils étaient tombés … Certaines personnes ainsi acculées sournoisement ne voyant d’issue de sortie de cet enfer quotidien que par le suicide.

Ingrid, après un congé parental, est en passe de reprendre le travail au début du roman. Jusque-là rien que de plus normal pour cette jeune mère de famille, comme il en existe des milliers en France. Sauf que …. L’atmosphère professionnelle n’est plus du tout la même à son retour car le patron a changé. Et celui-ci donne le ton de ce qui va devenir peu à peu le quotidien d’Ingrid en lui lançant cette remarque trempée dans le vitriol de sa goujaterie misogyne : « Vous comptez en faire d’autres ? »

Visiblement ce pervers n’arrive pas à imaginer qu’une salariée puisse concilier harmonieusement vie professionnelle et vie familiale personnelle. Voilà qui en dit long sur l’odieux personnage, fort de son pseudo-pouvoir sur les salariés qui sont contraints de subir sa présence au jour le jour, en vivant dans la peur sourde de se faire aussi limoger à la première occasion, au gré de ses caprices pervers, s’ils ont le malheur d’ouvrir la bouche en prenant la défense de leur malheureuse collègue.

L’ambiance au travail se fait donc pour elle aussi pesante qu’une pierre tombale qui lui serait tombée brutalement dessus, ce harcèlement l’écrasant chaque jour un peu plus, cautionné aussi par le silence peureux de la plupart des employé(e)s travaillant à ses côtés.

Le lecteur se demande au fil de sa lecture combien de temps elle résistera à ces pressions s’exerçant sur elle de toute part et surtout quels moyens elle pourra mettre en œuvre pour se sortir sans trop de casse de ce traquenard professionnel continuel et délétère … vivant par procuration un véritable ascenseur émotionnel sans pouvoir s’en libérer avant la fin du récit.

Abigaïl Lazare nous interpelle en nous livrant raconte donc cette véridique et effrayante expérience qui a eu aussi ses instants vibrant d’espoirs, ses attentes, ses doutes devant l’inaction complice de l’entourage d’Ingrid.

Un récit touchant parce que véridique, mais pas que... Son écriture incisive et fluide a la violence du cri silencieux étouffé trop longtemps qui réussit enfin à percer l’espace, résonnant ainsi en vagues d’échos qui ne sont pas près de s’éteindre. C’était une question de survie, il fallait que ça explose d’une façon ou d’une autre. C’est fait et c’est tant mieux !!!!

Ce que j’ai également apprécié, c’est que l’auteure ne verse ni dans la facilité du pathos, ni dans les clichés éculés du genre. Elle a su rendre vivante cette terrible expérience, faisant bien ressortir les pensées et sentiments d’Ingrid, son mal-être grandissant mais aussi ses capacités de survie insoupçonnées de tous au départ … Y compris sans doute aussi d’elle-même.

Une histoire empathiquement bouleversante, riche en émotions de toutes sortes, face à une situation qui ne devrait plus exister de nos jours. Un roman qui fera réfléchir le lecteur et le poussera sans doute à se demander ce qu’il ferait, ou aurait fait, s’il avait été à la place d’Ingrid.

Je recommande donc cette lecture à tous ceux et celles qui croient, à tort, que le harcèlement moral en entreprise est encore le fait  d’actes isolés ici ou ailleurs, et plus largement aux lecteurs désireux et surtout prêts à entendre ce témoignage « brut de décoffrage », et à ce titre encore « dérangeant » pour beaucoup de personnes qui préférent faire la politique de l’autruche plutôt que d’agir pour assainir ces situations malsaines où qu’elles se trouvent encore.