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  • IL Y A DES VISAGES ....

    Il y a des visages que l'on a croisé, enfant, et qui ressurgissent parfois des années plus tard, quand on ne s'y attend pas.

    Ce matin, en sortant mes chiens pour leur première promenade quotidienne, j'ai senti en passant près d'une fenêtre entrouverte une délicieuse odeur de pommes au caramel.

    Un parfum d'enfance a brusquement resurgi dans ma mémoire, accompagnant un visage familier, que je croyais oublié depuis longtemps.... Heureux souvenir !

    1974... C'était le mercredi, jour jadis férié pour les enfants.... jour de liberté aussi, même si celle-ci était discrètement encadrée par les parents. Vers les quatre heures et demie, une fillette potelée, aux cheveux mi-longs, châtains et ondulés, attendait avec impatience le passage de l'épicier.

    Ah ! ... La camionnette noire ... On entendait son moteur poussif de très loin ... bien avant son retentissant klaxon.

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    En plus, elle se garait sur la petite place, toute fleurie de lilas mauve en été. Son auvent s'ouvrait, et Monsieur Léon apparaissait.

    C'était alors un homme dans la force de l'âge. Son mètre 90 et sa carrure athlétique obligeait les enfants que nous étions alors à lever la tête pour le regarder. Il paraissait être un géant, le bon géant de certains contes de fées que les parents nous lisaient, avant qu'il ne fasse totalement noir et que vienne le sommeil.

    Il avait les yeux bleus foncés, où passaient quelques nuances d'émeraude. On aurait dit deux billes... de celles que se disputent les gamins dans la cour d'école, à la récréation, parce qu'elles sont rares ! Mais ce qu'il avait de plus beau, c'était son sourire. Un soleil de sourire qui réchauffait l'âme de quiconque s'approchait de lui.

    Un sourire franc et généreux, comme ses deux mains ouvertes, qui offraient toujours quelques morceaux de fruits aux enfants que nous étions.

    Blog, écriture, souvenirs d'enfance, pommes, tartes aux pommes caramélisées, épicier, regards, échanges, leçon de vie, rapports humains, vie, campagne, bonheur simpleAh ! Les pommes rouges et sucrées ! C'était un régal. Il n'en fallait pas plus pour nous tenter...

    Ce mercredi-là pourtant avait été moins heureux que les autres. Il y avait eu des tensions entre enfants... Certains répétant bêtement des phrases entendues dans leurs familles, et qui n'étaient pas toujours agréables pour certains camarades, moins avantagés par la vie.

    Fabienne, une petite fille de six ans, était particulièrement visée par la bêtise ambiante. Ses parents avaient, à quelques mois d'intervalle, perdus leurs emplois et, malgré les différentes aides obtenues, le budget familial devenait difficile à  gérer.

    Adieu vêtements "de marques" et autres babioles dont les jeunes étaient friands ! Tout était calculé au centime près.... même la nourriture.

    En cette fin d'après-midi, tous les habitants du quartier s'étaient donnés rendez-vous devant la camionnette de l'épicier. Les fruits de saison étaient bien tentants, malgré leurs prix élevés... Et chacun se laissait aller au plaisir de petits achats supplémentaires, pour contenter les enfants.

    La mère de Fabienne se mit dans la file... avec son unique billet de 20 francs. Quand vint son tour, elle acheta quelques légumes, un peu de pain et un tout petit morceau de fromage... mais aucun fruit, car ils étaient bien trop chers pour sa bourse. Elle régla ensuite ses achats et s'éloigna rapidement, le regard attristé par celui de sa fille qui, pourtant, ne lui avait rien demandé et qui était retournée lire, à l'ombre des grands arbres.

    Quelques minutes après, Margaux se planta devant elle, triomphante, une grosse pomme rouge dans la main.

    "En veux-tu un peu ?" dit-elle, en la lui tendant.

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    Au moment où Fabienne allait la saisir, Margaux recula lestement de quelques pas.

    "Trêve de plaisanterie ! continua-t-elle d'un ton cinglant. Ton estomac ne supporterait pas la délicatesse de ce fruit... Il n'y est visiblement pas habitué."

    Elle la défia du regard, heureuse de l'effet produit par l'allusion assassine... mais n'avait pas remarqué la présence de l'épicier, qui s'apprêtait à repartir mais était revenu silencieusement sur ses pas, en observant son attitude. Il attrapa son poignet, la forçant ainsi à se retourner et à lui faire face. Puis, il lui fit remarquer, d'une voix grave mais ferme :

    "Nul ne devrait se vanter de ses richesses ! Souvent d'ailleurs, la vie les fait varier... Prie le Bon Dieu de ne jamais devoir affronter une semblable situation... Ta fierté en souffrirait, crois-moi !"

    Et sans plus lui accorder d'attention, il s'avança vers Fabienne.

    "Rappelle ta maman s'il te plait, veux-tu ?"

    Et retournant à sa camionnette, il prit un cageot, le remplissant de pommes rouges et parfumées, puis attendit leur retour.

    "Tenez !" dit-il alors quand la mère revint, en lui mettant la caissette dans les bras. Et, pour éviter un refus teinté de gêne il continua, montrant le ciel que parcourait de lourds nuages gris :

    "L'orage s'en vient.... les fruits y résistent mal, et je n'aime pas le gâchis. Ces pommes sont aussi succulentes cuites que crues. Essayez donc !... Et la semaine prochaine, vous me donnerez votre avis."

    La camionnette s'éloigna quelques secondes plus tard... Et ce soir-là, une délicieuse odeur de tartes aux pommes caramélisées embauma la petite place.

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    Monsieur Léon continua de distribuer généreusement les surplus de fruits et légumes à certaines familles modestes des alentours... sans jamais se faire remarquer.

    Cinq ans plus tard, il prit sa retraite, et ne trouva aucun acquéreur pour son petit magasin de primeurs. La concurrence des grandes surfaces commençait, l'exode rural s'amorçait aussi... conséquence du chômage et de la précarité et signa la fin d'une période heureuse pour beaucoup de familles.

    Les hasards de la vie m'ont remis sur le chemin de cet homme, longtemps après... Suite au décès de sa femme, il était entré en maison de retraite, s'occupant encore du petit jardin, jusqu'à ce qu'une maladie dégénérative le prive de la vue.

    D'un caractère battant, il fit face à cet épreuve, prit de nouveaux repères... continuant ses petites promenades, aidé de sa canne quand le temps le lui permettait... discutant volontiers avec les résidents de son quartier et même avec les étrangers de passage.

    La dernière fois que je le vis, en 1990, Monsieur Léon profitait du soleil de fin d'été, confortablement assis sur son transat, le visage serein... son éternel sourire aux lèvres. Et je me rendis compte, en l'observant, que même morts, ses yeux bleus foncés me souriaient encore...

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  • UN DIMANCHE DE NOVEMBRE .... COULEURS ET SOUVENIRS DE SAISON

    Il est sept heures trente, mon réveil vient de sonner... je sors lentement du sommeil. La musique a sorti mon chien Ugo de son repos tranquille. Il pose sa tête tout contre mon bras... bientôt rejoint par mon gros chat, Engy, qui s'installe en ronronnant sur ma poitrine, pour son gros câlin matinal. Après quelques minutes, je le repousse doucement, m'étire... Une nouvelle journée commence !

    Je quitte doucement la chambre... direction salle de bains pour une toilette rapide. Mon chien me guette. Fidèle à son habitude, il attend sa première promenade.  augo4.jpgJe m'habille chaudement et sors avec lui rapidement. Dehors le froid matinal achève de me réveiller. L'aube se lève à peine et j'aime ce moment qu'aucun bruit ne trouble. Le paysage est vraiment magnifique ce matin ! Je me souviens des dimanches de mon enfance, quand le givre laissait son empreinte sur les carreaux.

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    Ces week-ends nous permettaient de goûter aux joies des grasses matinées, suivies de bons petits déjeuners devant le feu de la cheminée.

    Ah ! Le plaisir des bonnes tartines grillées où le beurre fondait... le chocolat chaud qui fumait dans les bols réchauffait nos corps... et quand le temps le permettait, nous allions nous promener et ramasser des feuilles que l'on collait ensuite dans nos herbiers.

    Le repas de midi réunissait petits et grands, autour de la table familiale... et d'un copieux repas qui restaurait nos forces.  Nos débuts d'après-midi étaient consacrés aux révisions des leçons et des devoirs à terminer... avant de vérifier notre cartable... L'école recommençait dés le lendemain matin... et il n'était pas question d'oublier le moindre cahier à la maison.

    Quatre heures sonnait l'heure du goûter... puis chacun s'adonnait à son activité préférée. J'aimais déjà beaucoup la lecture, qui me faisait "voyager".

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    Mes sœurs et mes cousins aimaient jouer dans le grenier, que grand-père avait bien aménagé. Nous y avions nos petites chambres... et un espace pour nos jouets. C'était notre royaume... on y faisait ce que l'on voulait... la seule contrainte qui nous était imposée était de tout ranger, afin d'éviter perte ou casse malencontreuse. La petite malle en osier devenait celle qui abritait nos "trésors secrets". Et il n'était pas rare que mon "papy" vienne nous réveiller... quand la fatigue d'une bonne journée nous envahissait sans crier gare.

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    La maison vient de réapparaître, au détour du petit chemin. Le jour est maintenant totalement levé. Ma première promenade matinale se termine... et mes souvenirs s'estompent, comme la gelée de ce beau dimanche en perspective. Nous sommes déjà à la mi-novembre. Dans un mois à peine, Noël sera là !

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  • CES JOURNEES D'AUTOMNE ... SOUVENIRS TOUJOURS PRESENTS

    Les températures ont brutalement chuté ces jours derniers. Les pulls moelleux, les doudounes épaisses et écharpes ont retrouvés la première place dans nos gardes-robes... Les bottillons et autres baskets épaisses sont également de "sortie". 

    Les premières gelées sont là et laissent leur empreinte givrée sur l'herbe courte et rase des pelouses. Cela n'empêche pas les enfants du quartier de courir après les dernières feuilles qui se détachent des arbres... leurs joues rougies par la bise froide.

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    Et je me souviens moi aussi de mon enfance... et des dernières jeux d'automne, avec mes sœurs et les cousines, qui venaient à la maison, deux week-end par mois. Les petites citadines qu'elles étaient (elles habitaient Nanterre à l'époque) se "ressourçaient" à la campagne. J'avoue avoir envié, enfant, leur proximité de vie par rapport à la Capitale, qui me faisait déjà rêver !

    Au point d'avoir essayer de fuguer, pour les rejoindre... un samedi après-midi. J'avais parcouru les deux kilomètres, presque en ligne droite, qui me séparaient de l'arrêt de bus...  et c'est là qu'un voisin qui passait par là me repéra.téléchargement (1).jpg

    Ma mère, dans l'intervalle, s'était rendu compte de mon absence et, devant son affolement, celui-ci avait prit sa voiture, fait le tour des environs, et m'avait vu, assise et droite comme un i, attendant résolument le bus qui m'emmènerait à Paris... Il est vrai qu'à l'époque, je n'avais pas la moindre idée des distances !

    Après un grand éclat de rire et beaucoup de discussions, il a réussi à me convaincre de l'inutilité de mon attente, m'expliquant que plus de 400 kilomètres me séparaient de cette ville, "magnifique" à mes yeux d'enfant... en me promettant, pour me faire rentrer, un hypothétique voyage en train qui me permettrait de visiter la Capitale... un peu plus tard.

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    Je suis rentrée avec lui, inquiète à l'idée de "l'engueulade" que j'allais subir. Il plaida ma cause, en essayant de tenir son sérieux. Devant la vraie déception qu'elle lut cet après-midi là sur mon visage, ma mère abandonna son idée de fessée, me privant juste de sortie pour la fin du week-end. Je suis restée dans ma chambre, le nez collé au carreau... à rêver à la Ville-Lumière et aux somptueuses vitrines que le voyais à la télévision, pendant que mes sœurs profitaient une dernière fois de la cour, de la pelouse et du jardin. 

    46 années ont passées, la petite campagnarde a bien grandi... mais reste toujours fascinée par Paris, ses lumières, ses jolis petits quartiers et ses "grands boulevards".


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