UNE ETOILE FILANTE
Résumé de l’histoire
Le « Stéphane » du début du récit a vraiment tout pour déplaire. Médecin totalement égoïste et égocentrique, il ne pense qu’à sa carrière et profite largement de la vie et des opportunités que son statut lui confère. Les autres sont des pions qu’il manipule sans grand état d’âme. Jusqu’au jour où, gêné par un symptôme bénin en apparence (il croit sentir l’odeur de la Javel partout où il passe) il consulte et après quelques examens plus poussés, apprend qu’il est atteint d’une tumeur cancéreuse au cerveau et que son temps est désormais compté, malgré la chimiothérapie immédiatement proposée. En tant que médecin, il ne peut se mentir et est donc confronté brutalement à sa mort prochaine. Cela le pousse à se rapprocher de certains amis qu’il avait, pour certains, perdus de vue depuis longtemps. Ceux-ci d’abord ne soupçonnent pas le calvaire physique et moral qu’il est en train de vivre. C’est alors que son destin croise la route d’un mystérieux rouquin au costume jaune criard qui lui propose de le guérir en échange de 100 vies qu’il prendra au hasard. D’abord sceptique, Stéphane étouffe la voix de son dilemme de conscience (son but comme médecin n’est-il pas de sauver ces vies ?) et accepte le pacte proposé, poussé par une irrésistible envie de vivre. Mais qui, à sa place, ne serait pas tenté par la même solution d’apparente facilité ?
Il n’avait hélas pas prévu que l’être détestable avec qui il avait signé cet accord vital lui ferait voir ensuite, avec une nuit d’avance, chacune des morts violentes qui lui permettait de rester en vie. Et très vite ces cauchemars hyper réalistes lui gâchent cette vie si précieuse qui semblait lui être pleinement rendue sans réelle contrepartie active. Au point qu’il tentera, une première fois, de renoncer à l’accord trop vite et légèrement conclu. Le mystérieux personnage relâchera alors temporairement la pression psychologique de son chantage abject avant de reprendre celui-ci de plus belle et fort cruellement en poussant au suicide son meilleur ami, Loïck. Cette mort injuste sera celle de trop qui décidera Stéphane à reprendre sa liberté morale et spirituelle, même si la rupture du pacte signifie pour lui le retour à l’état antérieur, celui du cancer du cerveau, qui sera mortel pour lui à brève échéance.
Entre temps, il aura appris la beauté, la force et la totale gratuité de l’amitié, mais aussi des liens familiaux et de l’empathie vraie. Il vivra cette préparation à la mort physique en pleine conscience en profitant de chaque instant et en donnant à son entourage le meilleur de lui-même. Son départ vers l’autre monde sera totalement apaisé, laissant dans la mémoire de ses proches le souvenir d’un homme respectable et enfin véritablement respecté.
Je tiens d’abord à remercier ici Baptiste Luaces de m’avoir envoyé son livre qui m’a permis de rentrer de plein pied dans son univers, bien particulier, où la vie quotidienne et on ne peut plus routinière de son héros, Stéphane – en cela, elle ressemble à la nôtre – se voit chamboulée par l’épreuve redoutable d’une maladie mortelle à brève échéance et l’arrivée dans sa vie d’un étrange personnage – qui, à dessein, ne sera jamais nommé explicitement mais dont on devine vite l’identité – dont on sait simplement qu’il est roux et qu’il porte un costume jaune assez criard qui fait qu’on ne peut pas le « louper » quand on croise son chemin. Le diable – car il s’agit bien de lui – propose alors à notre héros le pacte qui lui donnera, non pas l’illusion de l’amour éternel d’une « Marguerite » comme son lointain cousin Moyenâgeux, le Docteur Faust, mais de lui rendre la pleine santé et donc la vie … la contrepartie de ce marché de dupe étant la mort totalement gratuite de 100 personnes que Stéphane ne connait pas.
L’écriture fluide de Baptiste Luaces nous plonge dans les affres de conscience de son héros de manière addictivement vertigineuse. Et nous pose, comme en passant et sans en avoir l’air, la même question existentielle. Jusqu’où serait-on capable d’aller pour sauver sa vie en cas de menace imminente sur celle-ci ?
J’ai aimé la construction psychologique et spirituelle de tous les personnages, en particulier celle du diable. Cet être mystérieux, croisé par hasard (mais en est-ce vraiment un ?) sur un parking et qui refuse de donner son nom à Stéphane laisse pourtant deviner son origine au lecteur un tant soit peu averti. Au Moyen-Âge en effet, les personnes aux cheveux roux étaient facilement considérées comme étant ses alliées terrestres et leurs cheveux avaient, croyait-on, la couleur des flammes infernales (La tradition dit d’ailleurs que Judas avait les cheveux roux). Quant au jaune criard du vêtement, il était alors le signe distinctif de la luxure et de la trahison et seules les prostituées avaient l’obligation de s’en vêtir, comme un signe qui désignait immédiatement à la vindicte populaire leur bassesse morale. Enfin le début du numéro de téléphone d’une des maîtresses occasionnelles de Stéphane commence, comme par hasard, par 666 (le chiffre démoniaque par excellence).
Enfin le thème revisité ici de manière totalement originale nous pose la question de la gratuité et surtout de la valeur irremplaçable de la vie en bonne santé, et de l’intérêt d’en profiter à chaque instant avec reconnaissance pour ce don que certains espèrent obtenir ou retrouver quand ils l’ont perdue. Quoi de plus important au fond qu’une santé parfaite puisque c’est elle et elle seule qui nous permet de concrétiser et vivre intensément tous nos rêves !
Il nous rappelle enfin les dangers de frayer avec des forces obscures qui font de nous leurs esclaves dès que l’on tombe dans leurs filets, par ignorance, bêtise ou orgueil. Et face à elles, nous sommes et seront toujours les éternels perdants des pactes, conscients ou inconscients, qu’ils chercheront à nous faire « signer » pour mieux nous asservir.
Merci à Baptiste Luaces qui, par ce livre, nous rappelle la valeur irremplaçable de notre destinée, que sa durée soit longue ou courte, comme « une étoile filante ».
Commentaires
Merci de ce compte-rendu fidèle, érudit et particulièrement bien écrit.
Merci de votre retour rapide Baptiste !
Bonne continuation !
Excellente semaine à vous et à vos proches.